Le livret Domozic Experience est en ligne

Dans le cadre d’Esch2022 capitale européenne de la Culture, Antoine Rousseau, Jean-Marc Delannoy et Christian Mahieu ont arpenté le territoire franco-luxembourgeois avec leurs domophones, d’étonnants instruments de musique fabriqués à partir d’objets du quotidien.

Ces mois d’expérimentation ont donné lieu à la création du livret Domozic Experience :Un carnet rédigé par Christian Mahieu tout au long de leur parcours, racontant leur expérience.

À télécharger ci-dessous :

domozic experience


Sortie du clip Domozic Expérience !

Voilà plusieurs mois que l’équipe metalu.net arpente le territoire franco-luxembourgeois avec ses domophones, dans le cadre du projet mené pour Esch2022 capitale européenne de la culture.
De ces pérégrinations est né un clip, Domozic Experience, réalisé par Alborz Teymoorzadeh Baboli.

A savourer ci-dessous !


Feuilles de route 2, avril 2022 (suite)

En Quête de possibles, état des (mi)lieux et des liens, moment 2

 

Milieux Villeruptois

Les deux adultes, mère et grand-mère qui accompagnent les jeunes ados, se reconnaissent bien vite, toutes deux habitent Villerupt et fréquentent le même comité des parents d’élèves du collège de Villerupt. Celle qui se présente comme la grand-mère des deux garçons à plusieurs raisons d’être là. Ces petits enfants sont inscrits à l’école de musique ; l’un joue de la guitare, l’autre de la batterie. Elle est là avec ses petits-fils parce que l’Arche est « un peu son bébé ». Elue de nombreuses années maire d’une petite ville qui jouxte Villerupt, et membre élue à la Communauté de Communes du Haut Pays Val d’Alzette elle dit s’être beaucoup battue pour que la ville et la CCPHVA puisse avoir un équipement culturel digne de ce nom dans ce territoire délaissé par les activités industrielles. Son choix pour se tourner vers l’avenir est celui de la culture : « Eux (le Luxembourg) ont fait le choix de la banque, nous de la culture… ». « On a fait ça pour nos petits-enfants ; ça n’a pas été facile, les oppositions ont été nombreuses face à ce choix qui apparaît luxueux pour un équipement culturel, on y est enfin arrivé. L’ouverture a été plusieurs fois reportée, des travaux supplémentaires, puis le covid…Ici, pour aller au cinéma il fait aller à Longwy, avec l’Arche on a deux salles bien équipées… Alors, s’il y a des mécontents parce que le reste (logements, équipements sociaux…) ne va pas assez vite, tant pis… ».

Les chargés des publics, titulaire et stagiaire, sont à la peine. La mission est lourde : trouver un public, et ce le plus vite possible. Le modèle économique comme il est désormais « normal » de parler, comme obéissance à une norme de gestion, marchande prioritairement, est de faire de la billetterie, de louer des salles, de « privatiser » les espaces. Quelle place est-elle réservée à ce que l’on pourrait appeler un « modèle politique », celui de la démocratie culturelle et de l’exercice des droits culturels ? La réponse n’est pas simple. Ce qui est sûr c’est que Villerupt n’est pas Metz, où la chargée de publics a fait ses premières expériences de mobilisation des publics. Elle sait qu’elle doit contrecarrer les habitudes de consommation culturelle qui font rester chez eux les habitants et privilégier comme activités culturelles les sorties vers le Luxembourg. Face à cela on doit « créer des cercles vertueux », de nouvelles habitudes, les ancrer dans la vie des habitants par l’encouragement et la facilitation de nouvelles consommations qui soient aussi, en tout ou partie, basées sur de nouvelles pratiques culturelles. Mais, on n’a pas de budget pour ça, pas encore devrait-on dire, l’intention est bien là. « Il nous faudrait des aides pour financer des ateliers de pratiques. On va faire des demandes d’aides à l’action culturelle, aux départements notamment ». Mais les choses se compliquent, Villerupt et la CCPHVA sont à la jonction de trois départements, Moselle, Meurthe et Moselle, Meuse, mais ce n’est pas un avantage, au contraire semble-t-il. Pour programmer les spectacles, les artistes, il nous faut payer la régie, la technique, la sécurité (jusqu’à douze agents par soirée) des salles et des parkings, le ménage, les assurances.  « Sans avoir d’aide à ce sujet, ce n’est pas évident ; pour que les compagnies viennent on n’a pas d’autre choix que de les faire participer au financement » ; ce n’est pas la meilleure façon de mobiliser des activités qui ont une approche culturelle plus diversifiée. En fait, nos ateliers Domozique n’ont pu être programmés que du fait du contexte particulier créé par Esch22, capitale européenne de la culture, mais en 2023, qu’en sera-t-il ?

Tout cela n’a pas encore laissé de temps pour construire des synergies et autres « cercles vertueux » avec d’autres acteurs culturels, ou socio-culturels, implantés sur le territoire. C’est dans la perspective d’apporter une contribution à cette construction, en profitant de notre extériorité au territoire, que nous nous mettons en route pour visiter ces autres acteurs. Concrètement, il s’agit d’aller les rencontrer, de mieux comprendre leurs propositions respectives, leurs attentes et leurs difficultés pour encourager les pratiques culturelles et socio-culturelles. Nous nous mettons en quête, plus qu’en mission. L’ambition n’est pas d’apporter des solutions, mais de créer des liens, de faciliter la rencontre, de partager des expériences et de contribuer à créer des milieux intermédiaires locaux susceptibles de dialoguer avec les institutions et les pouvoirs publics et économiques locaux.

Pendant que s’installe l’atelier, je me fais l’enquêteur, médiateur/inter médiateur en parcourant à pied Villerupt. Les hasards du climat font que ce parcours se fait sous la neige et se révèle assez escarpé ; rien n’est fait pour faciliter les mobilités douces, comme l’on dit désormais.  Le parcours dans Villerupt va, depuis l’Arche, vers la MJC, puis vers le nouveau bâtiment qui accueille les services de la CCPHVA et bientôt le siège de l’école intercommunale de musique, en passant par l’Hôtel de ville. Ce parcours des uns vers les autres, n’a pas encore été fait par les acteurs locaux. Tous le souhaitent, mais il faut en créer l’urgente nécessité, semble-t-il. Des questions et des approches communes devraient en ressortir pour se faciliter mutuellement les pratiques culturelles auxquelles ils ont l’ambition de contribuer.  Ce premier parcours permet d’établir le contact initial et la première rencontre qui permettra l’échéance à notre prochaine venue ; rendez-vous est pris.

Milieux Eschois

Au cours de l’atelier, des discussions s’engagent. Le contexte de programmation et d’organisation des événements liés à Esch22 a permis qui soient mises à l’agenda et prises en charge des questions au cœur des processus d’action culturelle. Participeront à notre atelier Domozique, se faisant cette fois ci, les facilitateurs pour le public des mal entendants, le chargé de la durabilité/pérennité des expériences et des pratiques émergentes et la chargée de l’accessibilité de ces expériences et pratiques à la diversité des situations et des conditions. Traiter ces questions en partageant les pratiques culturelles crée ce contexte, cet espace, convivial et apaisé, fait d’intermédiations résilientes.

Ce contexte ne nait pas de rien, il s’inscrit dans une dynamique et bénéficie d’un héritage, celui des pratiques d’occupation des friches et de la naissance de lieux intermédiaires. Le Luxembourg, plus connu comme place financière et ses banques, est cependant riche de ces expériences.

Participe à notre atelier Domozique, l’une des pionnières de ces activités culturelles, en friches. Elle est présente parce qu’entre autres contributions elle s’occupe de l’association qui a su mobiliser les mal entendants à participer à notre atelier. Elle a joué un rôle majeur dans l’émergence de ces pratiques dans les friches luxembourgeoises, dans la continuation et la sécurisation des actions culturelles, une expérience qui permet la mise en relations et aux expériences de faire milieux créatifs.

Le temps passe vite. Un premier échange est à peine ébauché. De retour sur notre territoire lillois, nous préparons de futures rencontres.

Bonjour,

Avec mes collègues de metalu.net, je voudrais tout d’abord vous remercier pour les échanges que nous avons pu avoir à l’occasion de notre atelier « Domozique », samedi dernier à Esch-sur-Alzette(Bâtiment 4).

Comme j’ai eu l’occasion de vous le dire, je suis plus particulièrement en charge de faciliter les échanges et la création de liens entre les partenaires Luxembourgeois, ceux de Villerupt et notre réseau davantage basé dans les Hauts de France et plus particulièrement dans la métropole de Lille.

Je me permets donc ce message pour vous solliciter.

Je souhaiterais prolonger notre discussion et prendre des contacts avec des personnes que je pourrais rencontrer lors de nos prochaines venues à Esch-sur-Alzette et Villerupt, éventuellement dès notre venue les vendredi 6 et samedi 7 mai prochains.

Tout d’abord, nous avons bien compris le rôle que vous jouez au sein de l’association Solidarität mit Hoergeschaedigten. Cependant nous n’avons pas eu l’opportunité de discuter de vos activités à la direction de la Miercher Kulturhaus. J’en ai eu connaissance sur le site de Réseau.lu.

Suite à notre discussion, et dans la perspective d’établissement de liens avec les différents lieux luxembourgeois, à Esch-sur-Alzette notamment, nous serions heureux de prendre les contacts que vous nous avez indiqués.

Je pense tout d’abord à Kulturfabrik ; voyez-vous quelqu’un.e que nous pourrions rencontrer, de votre part, éventuellement ? Lors de l’atelier nous avons eu la visite de Maelle Lepetit, mais peut-être pourrions-nous rencontrer René Penning, le directeur ?

Par ailleurs, samedi dernier, devant rentrer rapidement à Lille, nous n’avons pas pu aller voir les installations Metzeschmelz et rencontrer l’artiste dont le portrait était peint sur le mur derrière le Bâtiment 4. Nous comptons y aller lors de notre prochaine venue le vendredi 6 ou le samedi 7. Pourriez me dire quel est le nom de cet artiste ?

Egalement, lors de notre conversation, vous avez évoqué une personne, spécialiste des friches industrielles, et que vous m’indiquiez comme une « référence ». Comment puis-je avoir connaissance de ces travaux, voire le contacter ?

Par ailleurs, nous souhaiterions  établir des liens plus étroits entre partenaires français et partenaires luxembourgeois des lieux intermédiaires et centres/fabriques culturelles. C’est dans cette perspective que j’aimerais tisser des liens qui pourraient déboucher sur la participation de ces centres à des événements que nous préparons à Lille, mais aussi à un grand événement français (et aussi européen) auquel nous allons participer en fin d’année 2022.

Avec metalu.net (http://metalu.net/), au sein de Metalu (https://metaluachahuter.com/), nous participons à la coordination nationale des lieux intermédiaires  (http://cnlii.org/) qui prépare la tenue d’un « forum » pour la fin de l’année.

Tout n’est pas encore défini, mais ça devrait être les 25, 26 et 27 novembre, à Tours, dans un lieu qui s’appelle le 37ème parallèle (https://le37e.fr/).

Nous aimerions associer des lieux luxembourgeois à cet événement auquel va participer le réseau Trans Europe Halle. Nous nous permettrons de vous y inviter dès que le programme sera définitivement établi. Nous le ferons en lien avec  le collectif plus particulièrement chargé de cette organisation Artfactories/Autresparts (https://autresparts.org/ ).

Dans l’attente de notre prochaine rencontre, bien cordialement

metalu.net /Metalu

Des contacts des mises en relation sont à venir à l’échelle d’Esch-sur-Alzette toute entière et même du Luxembourg, avec des lieux intermédiaires, mais aussi des cafés, dans une tradition des cafés « culturels ». Des rendez-vous sont très vite pris pour notre prochaine venue à Esch-sur-Alzette en mai.


Feuilles de route 2, avril 2022

Etape à Villerupt

Retour à l’Arche

Nous voilà donc de retour à Villerupt un vendredi d’avril (le 8), en fin de journée. Nous reprenons cette route en travaux qui nous mène sur cette vaste esplanade dénudée sur laquelle trône l’Arche.

Cette fois ci nous nous installons dans le local du Fablab, au premier étage. Plusieurs badges sont nécessaires pour accéder à cet espace. Le public n’est pas prêt d’y accéder par hasard. Le fablab est désormais « équipé » de ses machines et accessoires attendus et juste déballées, pas encore toutes rendues opérationnelles. Les deux imprimantes 3D attendent encore de finir à être montées. La machine à découpe laser attend son évacuation dont l’absence la rend inopérante. Les huit machines à coudre sont sous leur housse et rangées sur une étagère. Les tables ergonomiques et les chaises, tout est là et attend. Le fablab attend surtout ceux qui pourraient en être les usagers, mais avant cela même, celles et ceux qui pourraient faciliter l’accès et les usages à cet équipement pour l’instant potentiel. Mais, ce fablab, pour qu’il fonctionne, devra être opéré par des intervenants extérieurs à l’Arche dont l’effectif prévu ne comporte pas de telles affectations. Ces intervenants extérieurs, il faudra les rémunérer par la contribution des publics. Pas facile pour des activités aussi émergentes qui reposent, souvent, ailleurs, sur l’investissement personnel et la créativité de bidouilleurs qui ne se voient pas comme des « publics » venant participer à des activités qu’ils n’auront pas « co-construites » ensemble. De plus, les questions administratives et de sécurité ne sont pas encore réglées. Avec notre atelier Domozique nous sommes les premiers à donner vie à cet espace.

 

L’atelier Domozique

Notre attente pour tenir l’atelier dans ce nouvel espace fablab ne tarde pas à être récompensée. Accompagnés de la chargée des publics, stagiaire, qui fait l’accueil dans le hall, quatre jeunes, adolescent.es, entrent dans le fablab. Deux garçons de 9 et 12 ans, accompagnés de leur grand-mère  sont suivis de deux filles de 11 et 12 ans, accompagnées de la mère de l’une. Tout ce qu’ils découvrent les intimide, le lieu avec ses machines, tiens une imprimante 3D, cool, les « domotiziens » de metalu.net, mais surtout l’univers hétéroclite qu’ils découvrent et qui les surprend, tiens un aspirateur, des boites, des boutons et des câbles partout…Leur fréquentation habituelle de l’école de musique ne semble pas les aider à trouver des points de repère. On les invite à s’approcher et à toucher ce qu’ils n’osent pas appeler les instruments de musique. « Ben quoi, vous n’avez jamais vu d’aspirateur ?, regardez comment ça marche ! ». Le son qui en sort les surprend. Visiblement tous s’attendaient à du bruit. On n’en est pas encore à oser toucher les instruments qui leur sont présentés.

Ce qui leur est présenté ils.elles pourrons les « jouer », mais aussi en créer d’autres. « Regardez, on a tout ce qu’il faut pour en faire, et si vous avez chez vous des objets qui vous semblent susceptibles d’équiper en instruments de musique, n’hésitez pas, ramenez les la prochaine fois, on le fera ensemble, l’objectif et d’en avoir beaucoup, de les équiper et connecter, on va vous montrer, pour pouvoir ensuite jouer ensemble ce que l’on aura composé, en orchestre de Domozique… ».  Les réticences et les hésitations ne sont pas encore levées, mais l’intérêt se fait jour. « Regardez ce qu’il y a à l’intérieur, dans chaque instrument, il y a un petit ordi et des capteurs, des connexions ». On les ouvre et tous découvrent qu’ils sont bourrés d’électronique ; « waouh, c’est stylé… ». « Comment ça marche ? ».  Chaque instrument est nommé, ouvert et essayé. Sont montrés dans leur état ceux qui en cours de fabrication, une « guitare », en fait un râteau à ramasser les feuilles dont on pourra pincer les « cordes », mais aussi un violon qui se présente comme des tiges et des tubes que l’on pourra frotter. L’instrument est ici plus le geste ou le souffle que l’imitation de l’instrument ; une façon aussi de faire comprendre ce qui produit le son. Mais le son « on le travaille avec des outils informatiques que l’on met au service de la musique ». Mais alors qu’est-ce que l’informatique ? Savez-vous comment ça se passe, vous qui l’utilisez tous les jours ? Un ordi, c’est quoi en fait ? Tenez en voici un dans cet aspirateur. Il est petit. C’est un Raspberry Pi. C’est le cœur de l’ordi. Tout le reste c’est de la connectique (des câbles et des capteurs) et du plastique pas toujours recyclable. Mais, ce qui les fait marcher tout cela ce sont des logiciels. On fait de la musique avec des logiciels. « Ceux que l’on utilise ici, et que je vais vous montrer, ce sont des logiciels gratuits, parce qu’on ne trouve pas normal d’avoir à les acheter pour créer, pour faire de la musique alors qu’ils ont eux-mêmes été créés par des gens qui n’ont pas voulu en faire un commerce ». Sans que cela soit vraiment préparé les ados se regroupent, trouvent des chaises pour s’assoir tout autour d’A. et de son ordi qui commence à leur expliquer comment fonctionne un logiciel et comment on peut travailler les sons avec ça. On doit montrer que les sons sont des fréquences, des vibrations. Grâce au logiciel qui équipe l’ordi, ici Puredata, on teste le rapport entre le type de fréquence et le son. Tiens, on n’entend pas tous de la même façon, question d’âge. Ils sont satisfaits d’avoir une meilleure audition des sons aigus du fait de la jeunesse. Mais, ce que permet le logiciel c’est de régler les fréquences et de les accorder, c’est à dire les mettre en gammes. L’attention est soutenue. Mais voyons ce que cela donne sur les différents instruments. Tous se lèvent et, maintenant, les objets étant démystifiés, on s’en rapproche. On les prend en mains. On ose un son, puis un autre. Chacun trouve son chemin pour commencer à pratiquer l’instrument. Les uns cherchent immédiatement des éléments de mélodie, reproduire un son connu puis enchaîner quelques notes, à l’oreille. Les autres, s’approprient l’instrument par l’adoption d’un comportement, d’un geste, lié à l’instrument tel qu’ils se le représentent : le geste de mettre l’Aspicolor entre les jambes, façon violoncelle ; le geste de toucher les boutons et de faire jouer les curseurs du Poste de Sécurité, d’une main en bougeant son corps, façon DJ. Le jeune apprenti batteur est désorienté lorsqu’on lui dit que les boites, façon Tupperware, qui constituent ensemble une « batterie », il faut appuyer sur des boutons mais surtout les secouer dans tous les sens pour en jouer. Il proposera bientôt de faire ce qu’il n’arrive pas tout d’abord à nommer, des trucs que l’on secoue qui s’avèrent être des maracas et qu’il nomme en hésitant des « shakers » ; aurait-il plus de connaissances dans les produits liés à l’univers des bars, merci les séries américaines, que ceux liés à la musique internationale ? Maintenant les réticences sont tombées. Il n’y a que la fatigue (des adultes qui les accompagnent, surtout) et de la faim qui gagne tout le monde, il est déjà 20h, qui peuvent les arrêter.

Une « artiste » présente dans les locaux de l’Arche parce qu’en repérage pour un travail à venir est attirée par les sons et l’animation qui provient du fablab. Elle passe d’abord la tête par la porte ouverte et observe longuement ce qui se passe et qu’elle ne comprend d’abord pas. A l’invitation de J-M., l’un des deux domotiziens, elle s’avance et se fait raconter ce qui se pratique. Ce qui l’intéresse alors ce sont les équipements électroniques embarqués dans les instruments et qui pourraient lui être des solutions pratiques et économiques pour animer ses installations plastiques.

Le moment est venu de se quitter et de se dire à la prochaine, au prochain atelier.

 

Etape à Esch-sur-Alzette

De nouveau au Bâtiment IV

Pour ce nouvel atelier à Esch-sur-Alzette nous installons à nouveau nos équipements et instruments dans la salle contigüe à la cuisine du Bâtiment IV. Cette fois ci nous avons été sollicités par les organisateurs d’Esch22 pour accueillir un public particulier, des personnes mal entendantes. Ces personnes ne sont pas là par hasard, elles sont en recherche d’une pratique musicale adaptée à leur handicap. Selon le principe de l’atelier, pas de longues présentations et pas de préalable à l’approche des instruments, on commence tout de suite par produire des sons. Immédiatement, les limites de l’audition de chacun est en débat. Les personnes mal entendantes sont sensibles aux fréquences basses, les plus graves, elles les ressentent dans leur corps. Les fréquences hautes, les aiguës  leur sont étrangers, comme les plus aiguës le sont également des personnes les plus âgées, toutes un peu handicapées quelque part. Mais l’association luxembourgeoise à laquelle appartiennent ces personnes les a aidée à s’équiper de gilets spéciaux qui sont une assistance à l’audition par la sensibilisation aux vibrations produites par les sons. Ainsi équipé, le rapport des personnes à la musique change, l’écoute est sensation et vibration autant que travail de l’oreille.

 

L’atelier Domozique

Tous nous nous équipons tour à tour des cinq gilets disponibles pour une « écoute » partagée. Les mal entendants sont plus à l‘aise que les auditeurs « normaux ». Nous viennent nos expériences de concerts en live où, près des murs d’enceintes, nous avons fait l’expérience des vibrations des basses qui nous ont parfois même mis l’estomac à l’envers tellement elles étaient puissantes. Tous les instruments sont passés en revue de façon à sélectionner les « gammes » de sons qui privilégieront les graves et donc permettront aux gilets de jouer leur rôle à fond. Ici le geste est obligatoirement associé à l’écoute puisque c’est le corps qui ressent le son plus qu’il ne l’entend. Les équipements proposés permettent des réglages rapides pour une musique qui leur est particulièrement adaptée. Ici ils et elles cesseront de ne ressentir qu’une partie de la musique pour l’envisager de façon continue parce que faite pour eux et elles. Cela leur permet de ressentir l’intégralité de ce qui est composé et pas seulement la partie des sons qui leur est accessible.

S’il était encore besoin de le comprendre, ici, avec ce public et ceux qui les accompagnent, ne forment pas un public homogène mais bien des publics différents et diversifiés.

Le hasard des programmations fait que dans l’une des salles proches de celle où nous sommes se tient un autre atelier qui rassemble une grande diversité de musiciens de différents origines et qui répètent le concert qu’ils doivent donner prochainement à Esch. Des ouds voisinent avec des guitares et des percussions. Les musiciens d’à côté sont intrigués par nos pratiques musicales qui associent des instruments improbables avec des équipements d’écoute, les gilets, qui font penser à des gilets de sauvetage. Serait-ce des migrants, comme certains d’entre eux peut-être, qui se préparent à une traversée, musicale cette fois ? Ils entrent et veulent en savoir plus. Tous veulent essayer. Le lien avec les réfugiés s’impose de lui-même. Est envisagée l’idée d’adapter l’atelier pour cela ; de le tenir en anglais, par exemple. Cela fait comme une évidence dans un contexte où le multilinguisme est de rigueur.


Feuilles de route 1, mars 2022 (suite)

En Quête de possibles, état des (mi)lieux et des liens, moment 1

 

Milieux Eschois

Evidemment la présence de metalu.net à Esch-sur-Alzette et son insertion dans la programmation de Esch2022 dans le cadre des événements et activités soutenus au titre de la capitale européenne de la culture ne s’est pas faite sans que des contacts aient été noués avec des personnes en charge de cette programmation. Ces contacts ont été pris en préalable de la tenue de ces premiers ateliers et dans le but d’assurer une audience à ces ateliers. Une première évidence nous saute vite aux yeux : la prolifération d’événements mis au programme pourrait cacher une difficulté à mobiliser ce public, ou ces publics, que nous ne connaissons pas. Les représentants des organisations porteuses d’Esch2022 et les premiers « collectifs » rencontrés sont finalement peu en capacité de les mobiliser. Les connaître, les reconnaître, les juxtaposer potentiellement dans une programmation qui s’adresse indistinctement à eux, est une chose. Nouer les liens qui les font pratiquer, partager des activités et occuper des lieux en commun en est une autre. La qualité et la diversité de la programmation pourrait cacher une difficulté à l’établissement de tels liens.

La qualité des lieux pourrait cacher une incapacité, momentanée ou plus durable, à « faire milieux ». S’interroger sur le fait de faire, ou pas, « milieu », revient à considérer que la mobilisation des publics n’a rien d’évident si elle ne ressort pas des logiques habituelles, essentiellement commerciales, qui animent les processus et les flux d’agglomération humaine. Dans ces processus, les lieux et les personnes se fréquentent plus qu’ils n’entrent en relations. Ils obéissent à des impératifs d’échanges en séquences que sont ceux de la médiation. Mais, il semble être devenu évident de parler de lieux et de faire comme si la question de leur fréquentation était réglée par l’apparente nouveauté de la proposition. Il ne resterait plus alors qu’à s’interroger sur les spécificités des usages que les occupants en font. En fait, bien des questions, longtemps à l’agenda des dispositifs d’action culturelle, demeurent avec toute leur acuité. A y regarder de près, les publics dont nous parlent souvent les programmateurs et autres diffuseurs des activités culturelles n’existent pas, ou pas vraiment. Ils n’existent et ne s’identifient comme tels que si les producteurs et les usagers de ces mêmes activités contribuent ensemble à leur construction. De publics potentiellement rassemblés pourront alors surgir des milieux, comme écosystèmes d’action en commun et de biotopes viables.

Avec la proposition de tenir des ateliers domozique tous les mois nous sollicitions une participation suivie, régulière, à une fabrication d’instruments et une pratique collective de la musique qui devait se traduire par une représentation commune à la fin d’un cycle de travail/jeu mené en commun. Quelles sont donc la portée et les limites d’une telle proposition faite par un collectif extérieur à l’écosystème culturel Eschois, et même Luxembourgeois ; une proposition qui, faite dans le contexte spécifique d’implantation de ce même collectif ne trouverait son public qu’à l’aune de ce qu’il a su au préalable construire d’intermédiations ? Aussi la proposition atelier Domozique est-elle peut-être moins un exercice de pratiques musicales partagées qu’une expérience de construction d’un milieu culturel. Ce faisant, elle se veut aussi une contribution convergente avec celle d’autres collectifs locaux. Aussi n’échappe-t-on pas à l’expérimentation en la matière quand il est question non pas de mobiliser un public mais de le construire en milieu ; tout ressort alors de l’  « en quête » menée sur le terrain.

L’enquête, comme toute quête, est d’abord un voyage, ou tout au moins un parcours, un arpentage, un balisage. Il s’agit de créer le contact et de laisser des traces si les liens ne se tissent pas immédiatement. Concrètement, il s’agit de se faire remarquer, de faire connaître la proposition, d’aller à la rencontre de personnes susceptibles de constituer ce public que les seuls canaux de communication officiels, ici ceux mobilisés par Esch2022, ne réussissent pas vraiment à mobiliser. Pour cette première exploration, et avec l’aide de nos premiers interlocuteurs du Bâtiment IV, un parcours se dessine qui passera par quelques lieux remarquables, des cafés, des boutiques pour terminer par une maison des jeunes et de la culture.

D’un lieu intermédiaire à un tiers lieu

Tout d’abord, une visite s’impose à Facilitec, lieu situé à quelques centaines de mètres du bâtiment IV. Facilitec (https://facilitec.lu/) se veut la fabrique des alternatives collaboratives, des initiatives locales innovantes pour la transition et l’économie circulaire[1]. Occupant l’espace d’une ancienne menuiserie, et se voulant laboratoire vivant, Facilitec se présente comme l’un de ces tiers lieux ouverts récemment, à Esch-sur-Alzette comme à Lille. Pour cette première visite, en ce samedi matin du mois de mars, le lieu est fermé et la porte ne s’ouvrira que pour laisser entrer une personne participant à un atelier déjà commencé. Cela laissera juste le temps de se présenter et de donner une pleine poignée de brochures présentant l’atelier et autres flyers. Ce sera aussi l’occasion de lancer une invitation que notre interlocutrice du moment – Celle avec qui nous sommes censés être en relation n’est pas là, ce jour – se chargera de répercuter auprès des usagers du lieu. Le second objectif de ce premier parcours Eschois sera la Maison des  Jeunes et de la Culture (Escher Jugendhaus, en Luxembourgeois). Elle est située à l’autre extrémité du centre-ville d’Esch-sur-Alzette. Ce n’est pas loin mais un repérage et des indications paraissent nécessaires. Quoi de mieux pour cela que de solliciter l’habitant qui se présente au premier carrefour.

Esch-sur-Alzette multiculturelle

En l’occurrence il s’agit d’une habitante. Non seulement elle accepte bien volontiers de me renseigner mais me propose même de m’y accompagner, puisque c’est sa route. Très vite son téléphone sonne et je m’aperçois que le dialogue qu’elle engage avec son interlocuteur est en portugais. Bien plus, elle me signale qu’en chemin, elle devra s’arrêter un bref instant pour passer commande dans un restaurant ; ce qu’elle fait au bout de quelques dizaines de mètres. Ce restaurant est brésilien, elle dialogue un bref instant avec les gens du restaurant, puis, en sortant, est interpellée par d’autres personnes que nous croisons. Tout cela se passe en portugais, souvent avec l’accent chantant du Brésil. Je saurai, peu de temps après, la très forte proportion de population d’origine portugaise et brésilienne à Esch-sur-Alzette près de 35 %, nous dit-on, et les raisons spécifiques de cette implantation. Avec la population d’origine italienne de la Moselle voisine et les français qui viennent à Esch-sur-Alzette pour travailler, cela fait beaucoup de mélanges et potentiellement d’interculturalité.

Je lui explique les raisons de ma visite à la Maison des Jeunes. Cette visite est justifiée par la prise de contact en vue de la participation éventuelle de ses usagers aux ateliers Domozique qui se tiennent au Bâtiment IV qu’elle connait sans jamais y avoir été. Je lui parle du collectif Métalu et de sa participation à la récente Nuit de la Culture qui s’est déroulée quinze jours avant. Là, elle connait, comme beaucoup de jeunes Eschois, elle y est allée et en a été impressionnée. Comprenant vite que l’atelier Domozique participe d’un esprit de la récup et de la bidouille, du recyclage et du faire soi-même, elle me propose un passage dans un lieu non prévu mais qui est sur notre route et dont elle connait les gens. Ce lieu se révèle vite être un atelier boutique, autant lieu de commerce que d’exposition d’objets issus du recyclage et d’interventions artistiques qui ne sont pas évoquer un art autant brut qu’ethnique ; l’ambiance est ici plus latino-américaine que germanique ou même européenne. Après une brève présentation de la proposition d’atelier, suivie d’un dialogue sur ce type d’activité ouverte et gratuite, une grosse poignée de brochures ira rejoindre une table déjà bien garnie de propositions culturelles.

 

D’un « bâtiment » à une « maison », de lieux en lieux

Nous arrivons devant la Maison des Jeunes où me quitte mon accompagnatrice au moment où je franchis l’entrée de ce très beau bâtiment que l’on imaginerait davantage lieu d’exposition d’art contemporain ou d’activité culturelle d’élites. Non, non, il s’agit bien de la Maison des Jeunes. Nous ne sommes pas en banlieue mais bien en centre-ville et dans une zone qui s’apparente à un quartier huppé de la ville. L’accueil se fait à l‘étage. Le contact est chaleureux en ce samedi après-midi qui n’est pas jour de grande affluence nous dit-on. L’évocation de l’atelier Domozique auprès des présent.es fait écho avec le fait que l’étage au-dessus est notamment occupé par un studio de musique. Mais, un étonnement, voire une interrogation, se fait jour. Pratiquer la musique, certes, mais de là à fabriquer ses instruments et d’envisager des composants électroniques pour une composition musicale qui prend le chemin d’une informatique en Open Source, un seuil demeure à franchir et le sera, n’en doutant pas, mais pas immédiatement ; nous devrons en reparler.

Pourtant le lien est établi. Nous échangeons sur le début d’expérience que nous menons au Bâtiment IV avec l’atelier Domozique, sur la vie des lieux et sur les activités culturelles à Esch. On nous les présente avec le support d’une carte Use It Map (https://www.use-it.travel/cities) qu’un groupe de la Maison a réalisé sur le périmètre d’Esch. Il s’agit de faire réaliser une carte sensible par des habitants d’une ville, des jeunes surtout, sur la base d’un fonds de carte en Open Source. Là, le lien s’établit immédiatement ; nous avons participé à la même démarche à Lille, autre ville dotée d’une Use It Map. Plus que ça, des associations lilloises en sont largement les promotrices à l’échelle de l’Europe. D’ailleurs nos interlocutrices viennent à Lille prochainement pour partager leur expérience avec d’autres groupes européens, dans d’autres villes.

Milieux Villeruptois

L’équipe en charge de la programmation à l’Arche a d’abord à cœur de faire venir à l’Arche des habitants à prime abord réticents. La priorité est que le lieu soit accueillant, confortable ; qu’une convivialité à faire éprouver vienne contredire l’aspect finalement austère du bâtiment isolé sur son esplanade pour l’instant vide. Aujourd’hui, pour y aller, il faut quitter le bourg, l’accès à pied n’est pas facilité par l’état actuel du chantier qui entoure le bâtiment. La route défoncée zigzague entre les chantiers. La préoccupation de l’équipe est plus dans l’ouverture prochaine du bar et du restaurant. Esch22, partagée, par-delà la frontière, entre Esch-sur-Alzette, les communes Luxembourgeoises proches et les communes de la Moselle Française limitrophe, a permis de bénéficier d’une programmation, celle de nos ateliers Domozique, un peu en décalage avec la mission donnée à l’équipe de remplir l’Arche de spectacles accessibles à un public local qu’il s’agit de convaincre. Esch-sur-Alzette et le Luxembourg d’un côté, Metz et les plus grandes villes des trois départements en proximité les uns des autres et de la frontière, la Moselle, la Meurthe et Moselle et même la Meuse, d’un autre côté, toutes exercent leur attractivité sur une population locale réticente. L’équipe de l’Arche nous dit ne pas avoir eu le temps de contacter les associations et structures qui, localement, ont assuré jusqu’à aujourd’hui les activités culturelles. Notre présence régulière à l’Arche, avec nos ateliers Domozique pourra être une contribution à cette mise en relation et aux synergies d’action culturelle qui pourraient en résulter.

Nous avons d’ailleurs l’opportunité d’en parler avec un représentant de la communauté de communes Pays Haut Val Alzette (CCPHVA) à laquelle appartient Villerupt. Cet élu a pleinement conscience des potentialités du lieu mais aussi des difficultés pour que l’Arche trouve sa place dans le paysage culturel local. En ce dimanche après-midi pluvieux, sous le ciel gris, et dans la brume qui laisse découvrir une Arche assez vide malgré la qualité du festival du court métrage proposé, l’élu montre sa confiance en l’avenir. Nous lui disons notre perspective de contribuer à assurer des liens avec la Maison des Jeunes et de la Culture de Villerupt que nous visiterons bientôt, lors de notre prochaine venue, avec l’école intercommunale de musique, des liens ont commencé à se nouer avec ses responsables. L’élu nous fournit les contacts directs qui viennent renforcer les tentatives déjà faites pour établir des connexions et mobilisés des élèves pour qu’ils rejoignent notre atelier.

 

 


Feuilles de route 1, mars 2022

Etape à Esch-sur-Alzette

Découverte du Bâtiment IV

Pour qui vient à Esch-sur-Alzette, au Luxembourg, c’est tout d’abord un choc ; et ce même pour celles et ceux habitués au contexte des lieux de vieille industrialisation, aux friches industrielles, à ces tentatives de faire survivre et revivre la ville après le départ de ce qui en a fait l’activité dominante. Déjà la veille, en arrivant de Lille, nous avions pu voir de loin les anciens hauts fourneaux de Belval dépouillés de leur gangue industrielle et éclairés dans la nuit comme de vraies œuvres d’art.

Le Bâtiment IV est en fait celui des anciens « grands bureaux », comme on le dit dans les sites miniers du Bassin du Nord Pas de Calais, mais ici ceux des industries sidérurgiques implantées en cœur de ville. Pour une large part, le bâtiment est resté tel qu’il était avant, avec ses salles toutes équipées de mobiliers, façon grande entreprise. Dans certaines pièces, les meubles sont en bois exotique et les fauteuils directoriaux, profonds.

Nous sommes accueillis le samedi matin (19 mars) par Marine qui y développe des activités au nom du CELL (Centre for Ecological Learning Luxembourg, the Transition Hub), et porteuse d’un projet F.U.T.U.R.E. Pour l’instant, à l’extérieur du bâtiment, avec d’autres, elle construit une scène en bois de récupération. Cette scène fait partie de tout un ensemble d’installations dans le parc parsemé d’arbres qui entoure le bâtiment.

Le bâtiment est habité. Il se remplira peu à peu, au fur et à mesure que la matinée du samedi se déroulera. Les plasticiens ont largement décorés les murs des couloirs et des salles. Un planning mural, sur lequel sont reportés tous les événements et activités, salle par salle, occupe tout un couloir, à côté de l’entrée de la cuisine ; la vie collective s’affiche aux yeux de tous. Il n’est pas besoin de plus d’accueil, d’explication ou d’animation pour que le lieu prenne vie. Très vite, nous avons l’impression de toujours avoir été là. Après l’atelier Domozique, le repas du midi sera très naturellement partagé entre tous les occupant.es, chacun ayant apporté ce qu’il fallait pour chacun.e et pour tou.tes.

 

L’atelier Domozique

Nous prenons position dans la salle, genre ancienne salle à manger, qui jouxte la cuisine. Nous y installons tout notre matériel et les instruments en construction ; quoi de mieux que cet espace contiguë à la cuisine pour y produire de la domozique qui n’est qu’une variante connectée d’une musique qui se veut domestique sans être domestiquée.

Après une brève visite du bâtiment et une présentation aux occupants qui passent par  la cuisine pour y prendre un café ou déposer dans les frigos ce qu’ils vont manger le midi, nous tirons les premiers sons des instruments déjà construits, les Tupperdrums (boîtes tupperware  bourrées d’électronique), l’Aspicolor (aspirateur lui aussi équipé), l’Harpiro (autre aspirateur « équipé » susceptible, par sa manipulation, de reproduire le son d’une harpe), le PC Sécurité (poste à boutons, téléphone à fil, et capteurs). Nous disposons aussi les instruments « en chantier », un instrument « à corde », et un instrument « à vent ». Les matériels, cartes électroniques, capteurs, matériels pour souder et assembler, et autres câbles d’alimentation sont éparpillés sur différentes tables. Le contact est vite établi. Un langage commun s’installe vite. On parlera matériels, piezo, Raspberry Pi et autres connexions. On parlera logiciels, ici PureData, parce que logiciel libre ; la domozique s’exprime en open source.

Nous sommes prêts et n’avons pas à attendre pour accueillir une première complice, Lou Artiste plasticienne et chercheuse au LIST (Luxembourg Institute of Sciences and Technologies), elle pratique aussi la construction d’instruments, ici façon « lutherie sauvage ». Elle ne vient pas les mains vides. Elle brandit une branche sonorisée, connectée. Différents capteurs, petits dispositifs vibrants (ressorts…) et piezos  y sont fixés et la branche se termine par un jack. On se branche, c’est le cas de le dire…

L’accord, ici les accords, demeurent à établir. Equiper les instruments, fussent-ils des branches ou des vieux équipements ménagers, n’est qu’un aspect du travail de création sonore. Détecter les sons, les réguler en fréquences, les accorder, les monter en gammes, en est un autre, et pas des moindres. Un premier débat s’engage, ici en connaissance de cause. Nous verrons que dans d’autres contextes, celui de l’Arche à Villerupt, par exemple, avec un autre « public », la discussion sera différente, tout au moins au commencement de la relation qui s’établit avec des participants en décalage de pratiques plus que de connaissances, puisque par ailleurs ils étudient le solfège. Maintenant, tout en manipulant les différents instruments et en se passant la branche sonorisée, la discussion s’engage sur les conditions à réunir pour aller au-delà de cette sonorisation qui pourrait rester anecdotique. Prendre un objet, le détourner, l’équiper, n’est pas le but, même si cela peut être valorisé en tant que tel au titre de la « bidouille » et du « faire soi-même » dont les effets de connaissance et d’émancipation ne sont pas à négliger. Plus que le bricolage, c’est une ergonomie de création qui s’invente. Faire sonner, récupérer les sons pour les « designer », les monter en gammes, les accorder et les arranger, accorder l’ensemble et l’orchestrer. Le but est bien ici d’en jouer, et d’en jouer ensemble. Mais, la domozique se pratique tout autant qu’elle s’écoute. Elle est autant performance qu’exécution. Sa pratique est indissociable d’événements et de contextes, le domestique s’étend à la proximité de rapports de convivialité, ceux du partage et de l’agir en commun.

C’est ce dont on parle tout en manipulant les premiers objets. On le fait sous le regard de M. Jean qui virevolte autour de nous qui sommes rejoints par les occupants de la cuisine et par ceux qui, passant dans le couloir, nous rejoignent pour des séquences plus ou moins longues. M. Jean fait plus qu’être le photographe de ces instants magiques. Sa présence facilite la mise en relation entre les personnes et les événements. Il est, à lui seul, un media, au sens de médium. Il trace les liens qui s’établissent. Il fixe les intermédiations qui s’opèrent. Un simple « trombinoscope des bénévoles » se révélera, comme un puissant outil d’action collective.

 

Etape à Villerupt

Découverte de l’Arche

L’Arche se mérite. Pour y accéder il faut emprunter une route qui tient plus de l’accès chantier que de la rue, gravir la colline en évitant les trous, quitter son quartier, traverser un « no man’s land » qui devrait être bientôt un éco quartier, se garer sur un parking désert que l’on distingue à peine du reste de ce vaste espace abandonné.

Ce bâtiment culturel est tout juste fini d’être construit, des équipements de qualité y ont été installés, notamment deux salles façon salles de cinéma. Il est lumineux dans son vaste hall qui accueillera bientôt les visiteurs, plutôt vus en clients, par un bar-restaurant pas encore opérationnel.

Une exposition de trois pièces d’art visuel anime la coursive au premier étage devant l’entrée du cinéma. Une porte vitrée donne accès contrôlé par badge à un « fablab » dont on vient juste de déballer les équipements (imprimantes 3D, découpe Laser, machines à coudre, photocopieuse…). Les équipements sont neufs et attendent que des prestataires extérieurs viennent les activer. Le public potentiel ne le sait pas encore.

L’équipe recrutée pour gérer l’Arche est désormais en place depuis quelques petites semaines : « On, court partout ». L’équipe doit aussi faire connaissance avec le contexte local. Le soutien est fort de la part des pouvoirs locaux qui ont fait acte politique majeur pour privilégier cet équipement culturel et en faire une priorité alors que le quartier qui doit l’entourer n’existe pas encore. « Les gens de Villerupt boudent un peu l’Arche, pour l’instant, mais comme ils ont tendance à bouder tout ce qui se fait de culturel à Villerupt, sauf le festival international du film italien qui fait tous les ans la réputation de la ville ». Certains comportements hostiles ont même été relevés. « On est à une période charnière », nous font remarquer les chargées de programmation, titulaire et stagiaire. La mission confiée à l’équipe de l’Arche n’est pas simple. « On est SPIC », un service public industriel et commercial (SPIC) est une forme de gestion de service public soumise principalement aux règles de droit privé). L’Arche n’est donc pas un EPCC (établissement public de coopération culturelle), et donc n’a pas d’autres moyens de fonctionnement, hormis la gestion du bâtiment et la prise en charge de l’équipe salariée, que ceux qu’il dégage des produits de ses ventes, billets et restauration, et potentiellement de ses locations d’espaces et de salles. La priorité de l’équipe ne peut être autre qu’une programmation compatible avec ses contraintes, mobiliser un public réticent, ou qui n’existe tout simplement pas, encore, pour chaque spectacle, financer la régie technique que le lieu ne possède pas en interne, la sécurité, le ménage, les assurances… Pour que les artistes, les compagnies, les associations, viennent il faut qu’elles participent au financement de ces moyens. Des demandes de soutien au titre de l’action culturelle ont déjà été faites au département de Meurthe et Moselle. Mais, Villerupt est aussi en proximité du département de la Moselle, pas simple. Tout cela fait que, en l’absence d’autres moyens de fonctionnement, l’équipe tente les premières actions qui devraient lui permettre de conquérir les publics. Elle n’en est pas encore à pouvoir financer des ateliers de pratiques culturelles.

C’est dans ce contexte  que metalu.net vient à l’Arche, le dimanche 20 mars, en début d’après-midi. Nous venons y tenir l’atelier « Domozique » qui fait partie du programme que nous avons proposé dans le cadre d’Esch2022, capitale européenne de la culture. Cet atelier se tient donc à Villerupt, dans ce nouveau bâtiment de l’Arche, dans le cadre d’une programmation concertée avec Esch22, à laquelle l’équipe de direction de l’Arche est ravie de participer puisque cela lui offre la première opportunité d’action culturelle.

 

 

L’atelier Domozique

Première programmation de l’Arche en ce dimanche brumeux de mars, un festival de films de court métrage tente d’accueillir un maigre public. Ses organisateurs, de l’association M.i.H (https://assmih.com/) y organise ce même jour « La fête du Court-Métrage », manifestation nationale sous l’égide du Centre national du Cinéma (CNC), en partenariat avec « La Fête du Court » de Metz.

Nous aurons à partager le hall de l’Arche où nous installons l’atelier, avec nos « instruments » déjà construits, Tupperdrums (boîtes tupperware  bourrées d’électronique), Aspicolor (aspirateur lui aussi équipé), Harpiro (autre aspirateur « équipé » susceptible par sa manipulation de reproduire le son d’une harpe), PC Sécurité (poste à boutons, téléphone à fil, et capteurs), mais aussi le matériel qui doit permettre d’en fabriquer d’autres.

Les visiteurs devront donc passer devant nous et entendre les premiers éléments sonores que nous ne manquerons pas de produire, à leur grand étonnement. Nous sommes dans le hall parce qu’il s’agit de montrer d’abord ce que c’est, ce que cela pourrait être, de participer à un tel atelier. L’installation des différents instruments, des baffles, mais aussi des ordinateurs et des connexions, des caisses à outils, se fait sous le regard d’abord un peu inquiet, puis nettement amusé de l’agent de sécurité. Ce dernier sera ensuite un auditeur et un spectateur ravi. Il n’a jamais vu ça, il ne pensait pas ça possible ; et c’est paradoxalement la première activité qui est proposée dans ce lieu neuf. Les visiteurs arrivent peu à peu. Les personnes sont venues en famille pour voir le lieu : on leur a dit que la salle de cinéma était belle. A Villerupt c’est le cinéma qui attire. D’ailleurs, le public, peu nombreux, paraît davantage venu pour voir la salle que pour les courts-métrages, format auquel il n’est pas habitué. La présentation de courts-métrages fait que les séances se passent en continu permettant aux personnes d’entrer et de sortir à tout moment d’une salle qui finira par avoir une assez bonne audience. Entrant dans le hall et s’y regroupant avant ou après avoir assisté à un moment de projection, elles regardent de côté les domoziciens en train de jouer. Un couple ou deux se rapprochera et voudra en savoir plus : « c’est quoi, il va y avoir un concert, vous préparer quelque chose ? », « Non, c’est un atelier auquel vous pouvez participer, ça vous tente, regardez… ».

Avec l’un d’eux, la discussion sera plus longue, universitaires venant de Luxembourg, elle et lui voudront en savoir plus sur ce type d’activité, regrettant que le public du coin ne soit pas au rendez-vous.


Esch 2022 – Présentation des ateliers domozique à l’Arche à Villerupt

Dans le cadre de sa participation à Esch2022 capitale européenne de la culture, metalu.net propose un cycle d’ateliers domozique au Bâtiment 4 à Esch-sur-Alzette au Luxembourg et à l’Arche (fablab) à Villerupt. L’objectif ? La création du World Wide Domozic Orchestra, un orchestre transfrontalier
qui se produira lors d’un grand concert final.

Après avoir inauguré le projet côté luxembourgeois, Antoine Rousseau et Jean-Marc Delannoy présenteront les les ateliers domozique côté français le dimanche 20 mars à l’Arche, nouveau fablab à Villerupt.

INFOS PRATIQUES
Lieu : L’Arche – Esplanade Nino Rota – Villerupt (54)
Dates : Présentation des ateliers dimanche 20 mars 2022 à 14h00 / Puis cycle de 5 ateliers vendredi 8 avril, vendredi 6 mai, vendredi 17 juin, vendredi 15 juillet et vendredi 26 août de 18h à 21h
GRATUIT
Infos et inscriptions aux ateliers à l’adresse creations.savoirs@l-arche.art

metalu.net est un projet sélectionné par Esch2022, Capitale Européenne de la Culture. L’objectif ? Créer un réseau interrégional et transfrontalier autour des pratiques numériques de l’open source et des communs à travers des ateliers de pratiques et des rencontres conviviales.

Dans le cadre d’Esch2022 capitale européenne de la culture avec le soutien de la Ville d’Esch-sur-Alzette, la Région Grand Est, la Drac Grand Est, la Communauté de Communes Pays Haut Val d’Alzette
En partenariat avec le CELL (Centre for Ecological Learning Luxembourg), la CCPHVA (Communauté de Communes Pays Haut Val d’Alzette), l’Arche à Villerupt

 


Les ateliers domozique dans le cadre d’Esch2022 capitale européenne de la culture

ATELIERS DOMOZIQUE

* REJOINS LE WORLD WIDE DOMOZIC ORCHESTRA !

Accompagnés par les artistes de metalu.net, créez ou apprenez à jouer des domophones : d’étonnants instruments de musique conçus à partir d’objets du quotidien (bouilloire, table à repasser, aspirateur…). À la clé, la création du World Wide Domozic Orchestra, un orchestre transfrontalier qui se produira lors d’un grand concert final !

>>> Ateliers gratuits, ouverts à tous, sans pré-réquis.

AU LUXEMBOURG
↳ LIEU : Bâtiment 4 – 66 rue de Luxembourg – 4149 Esch-sur-Alzette
↳ DATES : Un samedi par mois de 10h à 13h
9 avril / 7 mai / 18 juin / 16 juillet / 27 août 2022
↳ INFOS ET INSCRIPTIONS : future@cell.lu

EN FRANCE
↳ LIEU : L’Arche (Fablab) – Esplanade Nino Rota – 54190 Villerupt
↳ DATES : Un vendredi par mois de 18h à 21h
8 avril / 6 mai / 17 juin / 15 juillet / 26 août 2022
↳ INFOS ET INSCRIPTIONS : creations.savoirs@l-arche.art

metalu.net chantier numérique de l’open source et plateau coopératif de création est un projet sélectionné par Esch2022, Capitale Européenne de la Culture. L’objectif ? Créer un réseau interrégional et transfrontalier autour des pratiques numériques de l’open source et des communs.
—–
Dans le cadre d’Esch2022 capitale européenne de la culture / Avec le soutien d’Esch asbl , la Ville d’Esch-sur-Alzette, la DRAC Grand Est, la Région Grand Est, la Communauté de Communes Pays Haut Val d’Alzette, la Ville de Lille et la Région Hauts-de-France / En partenariat avec le CELL, l’Arche à Villerupt.

 


Journée d’initiation à Chataigne

Le jeudi 24 septembre, Métalu A Chahuter accueille le 1er événement du tiers-lieu numerico-artistique metalu.net !

Initiation à Chataigne – Chef d’orchestre logiciel – machine modulaire pour les arts numériques

Venez participer à un atelier d’initiation à Chataigne en présence de Benjamin Kuperberg, créateur du logiciel.

  • Chataigne c’est quoi ?

Chataigne est un logiciel open source pensé avec un objectif en tête : créer un outil commun pour les artistes, techniciens et développeurs voulant utiliser les technologies et synchroniser des logiciels pour des spectacles, installations interactives et du prototypage.

Chataigne ne crée pas de contenu par lui-même, son rôle est d’être le nerf central dans un projet mêlant différentes interfaces logicielles et matérielles. On peut le voir comme un chef d’orchestre, qui s’occupera de contrôler toute la flotte technologique en ayant connaissance de la vision globale du projet. Chataigne a été conçu pour remplir à la fois les besoins des spectacles à temporalité linéaire ainsi que des projets interactifs et en temps réel.

Curieux, amateurs et professionnels, artistes et passionnés, des usages de l’électronique, de la mécanique, du numérique, cette initiation est faite pour vous !

  • Au programme :

Matin : présentation générale de l’outil et de sa philosophie et introduction à l’utilisation du logiciel
Après-midi : les mains dans le cambouis, les participants se regroupent autour de 4 ou 5 projets pour une mise en oeuvre pratique.

Plus d’informations sur Chataigne

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24 septembre 2020 – de 9h30 à 17h30
122 rue Dordin – 59260 Hellemmes-Lille
Sur inscription à l’adresse > infos@metalu.net
Attention jauge limitée !

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Exposition Ibant Obscuri

Jean-Marc Delannoy a été invité par le Groupe A – Coopérative culturelle afin de participer à son exposition collective Ibant Obscuri qui prendra place à la Condition Publique à partir du 18 septembre 2020.
Chaque artiste invité y interrogera à sa manière les crises sociales et écologiques contemporaines.
A cette occasion, Jean-Marc Delannoy y présentera son oeuvre La lessive (1 – Le lavage), un dispositif pensé pour « nettoyer » les travers de l’humanité du siècle dernier.

 

Informations et réservations au +33 (0)3 28 33 48 33 ou par mail à billetterie@laconditionpublique.com

 

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Exposition Ibant Obscuri
La Condition Publique
Galerie Coucke – 14 Pl. Faidherbe – Roubaix (59)
Du ven. 18 septembre au mardi 22 décembre 2020

 

Avec Jérôme Abel, Clémentine Carsberg, Baptiste César, Rodolphe Collange, Jean-Marc Delannoy, Gaëlle Lucas, Grégory Grincourt, François Lewyllie, Sandra Richard, Chloé Schuitten, Clément Vuillier, Zoer

 

Commissariat d’exposition : Pascal Marquilly

 

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© Aliette Cosset